La Fédération des Professionnels de la Méthode Pilates (FPMP) publie une tribune pour dénoncer la dérive actuelle de la pratique du Pilates et alerter sur les risques liés à sa marchandisation.
Tribune de la Fédération des Professionnels de la Méthode Pilates
Depuis que le mot “Pilates” est tombé dans le domaine public en 2000, il s’est largement répandu. Mais derrière ce nom, celui de son créateur, Joseph Pilates, se cache une méthode rigoureuse, cohérente et complète. Son objectif ? Bien plus qu’un simple renforcement musculaire : une véritable éducation au mouvement, un dialogue subtil entre corps et esprit.
Contrairement aux modes éphémères, Pilates est un système cohérent, bâti sur six principes : concentration, centrage, respiration, contrôle, précision et fluidité.
À ces fondamentaux, nous ajoutons aujourd’hui la sécurité, car c’est de la qualité pédagogique et technique que naissent les bienfaits durables : renforcement musculaire profond, conscience posturale, mobilité articulaire et gestion du stress.
Pour déployer ces principes, Joseph Pilates a conçu un système global d’exercices sur des appareils dédiés (Reformer, Cadillac, Chair, Barrel, Spine Corrector) et d’accessoires.
Chacun de ces outils répond à un objectif précis dans la progression de l’élève : ensemble, ils forment un puzzle dont chaque pièce est indispensable. Or, isoler le Reformer, c’est sortir une pièce du cadre, c’est dénaturer la méthode. Le Pilates n’est pas un simple enchaînement. Il repose sur :
- Une solide connaissance anatomique et biomécanique
- Une lecture fine du corps en mouvement
- Un accompagnement individualisé et vigilant
- Une progression construite basée sur la connaissance du système (appareils et tapis)
- Une attention constante aux principes fondamentaux
Aujourd’hui, nous constatons une dérive
Le succès de la pratique dite “Reformer Fitness”, en France et dans le monde, alerte. L’usage unique du Reformer, souvent dans un cadre chorégraphié, collectif, rapide, parfois en musique ou dans l’obscurité, produit une expérience séduisante mais qui s’éloigne dangereusement de la méthode.
Ces formats surfent sur la tendance, sur l’esthétique, sur l’idée de performance. On parle de calories, de sueur, de courbatures. On transforme un art du mouvement en un show cardio. On vend du Pilates, mais ce n’en est pas. Nous, professionnels formés et engagés, réunis sous l’égide de la FPMP, dénonçons cette confusion. Des personnalités publiques et des professionnels de santé s’associent à notre démarche.
En France comme ailleurs, nous assistons aujourd’hui à des dérives inquiétantes : des machines low-cost aux normes mal calibrées, des cordages lâches ou des dispositifs de verrouillage défaillants, l’absence de supervision individuelle, autant de facteurs pouvant provoquer chutes et blessures.
Parallèlement, des formations express de quelques jours délivrent le titre d’”instructeur Pilates”, quand la tradition exige plus de 600 heures de formation étalées sur un à deux ans. Du jour au lendemain, des millions d’euros de chiffre d’affaires sont générés par des cours massifiés où l’on « ressent la brûlure » sans jamais apprendre la biomécanique ni recevoir de corrections individualisées.
La conséquence ? Une dilution du savoir : la synchronisation de la respiration, l’alignement et la fluidité des transitions cèdent le pas au spectacle visuel. L’élève se perçoit dans un show cardio plus que dans un travail introspectif. Les magazines de fitness et les algorithmes des réseaux sociaux vendent des “corps sculptés” ; les pratiquants, eux, risquent d’abîmer leur capital santé.
Sur le plan économique, le contraste est saisissant : d’un côté, des studios investissent massivement dans des espaces high-techs et des campagnes marketing aguicheuses ; de l’autre, les professionnels formés traditionnellement voient leur expertise dévalorisée et leurs investissements en formation marginalisés. À terme, c’est l’ensemble de la communauté Pilates, de ses racines thérapeutiques à son rayonnement sportif, qui risque de s’effriter sous le poids d’une marchandisation à courte vue.
Nous, professionnels de longue date, appelons :
- Au grand public à exercer son discernement : ne soyez pas la proie d’un effet de mode. Renseignez-vous avant de réserver, demandez toujours la durée et la nature de la formation suivie, assurez-vous que le studio utilise des appareils qualitatifs, et qu’il garantit un encadrement en petits groupes.
- Aux médias, de porter un regard exigeant sur l’appellation Pilates.
- Aux enseignants, de refuser la facilité des certifications express, et d’entretenir une quête permanente d’excellence et transmettre fidèlement l’enseignement de Joseph Pilates.
C’est en préservant l’intégrité de nos formations et de nos outils que nous assurerons la pérennité d’un art du mouvement unique.
La FPMP rassemble aujourd’hui celles et ceux qui partagent cette conviction. Ensemble, protégeons l’essence de la méthode, pour que la pratique continue d’inspirer et non de blesser tous ceux qui lui font confiance
Pour que la méthode Pilates reste vivante et fidèle à ses principes, ne laissons pas le marketing écraser son essence.